lundi 13 décembre 2010




TRUISMES - MARIE DARRIEUSSECQ

Je venais juste de finir "À la recherche du temps perdu", totalement illuminé par le génie d'un écrivain et son chef-d'œuvre, l’œuvre d’une vie trop courte, quand j'ai tenté de lire Truisme, le premier roman d’une vie engagée. Mais, ébloui par les rayons d'un soleil qui trace des sillons de langage dont on ne peut plus s'extraire, le renouveau littéraire m'évoquait une certaine répugnance. L'orgueil bouffi de ces auteurs qui considèrent l'adjectif comme une insulte et l'adverbe comme une abomination, ne pouvait qu'irriter une logique qui me poussait à rechercher dans l'écriture une émotion. C'est-à-dire de l'art.

Alors, pourquoi ce choix de lecture ?

Il y avait dans le nom de l'auteur, Darrieussecq, une assonance en écho avec celui du hameau où était né mon père… et mort peu de temps après - ceux qui ont lu Ménino comprendront - qui ne pouvait qu'éveiller dans mon inconscient une certaine empathie. Voyez comment vont les choses !

C'est aussi le titre qui m'avait intrigué. Sa dualité, sous la plume d'une Normalienne Supérieure, ne pouvait pas être fortuit. Si trop de culture tue la fantaisie, il devait bien y avoir une raison à ce choix qui n’en manquait pas : une élasticité dans la sémantique qui éveillait ma curiosité à fleur de peau.

Que pouvait-il donc se passer "d'hyper-véridique" dans un "assertion mensongère". Car, comme chacun le sait, il n'est pas possible qu'une femme se transforme en truie, sinon dans le fantasme des têtes orageuses. Que pouvait bien cacher cette métamorphose peu ragoûtante. Voilà donc l'état d'esprit rebelle qui présidait au moment où j'ai commencé à lire le texte.

Et là, les bras m'en sont tombés. Pas de lassitude ou de dépit, comme je m'y attendais, mais d'émerveillement. Je venais de découvrir un monde extraordinaire.

Je n'arriverai certainement pas à vous transmettre mon ressenti à la lecture de ce roman, il opère par magie et reste incommunicable. Comment voulez-vous expliquer le plaisir de l'amour physique à ceux qui ne l'ont jamais vécu. Vous direz : "il exagère". Pourtant la difficulté est bien de cet ordre : une jouissance littéraire !

Je dirais que c'est une leçon d'élégance, un renvoi (aux deux sens du terme) vers cette exigence épouvantable des hommes qui condamnent les femmes dans le confinement d'un contexte de séduction et d'asservissement sexuel. Ce ne sera que justice pour elle de les transformer en petits cochons, en ayant la noblesse de ne pas exiger d'eux-mêmes une telle métamorphose, mais par le sacrifice initiatique d'une mutation d'elle-même en miroir : une truie. Ainsi, restons attentifs et surveillons bien notre arrière-train : en cas d'une petite queue en tire-bouchon… il faudra craindre la contamination.

Écrit pour Babelio en novembre 2010.

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