lundi 20 décembre 2010




Je me souviens de la lecture de ce roman qui m'avait bouleversé. Je crois ne pas avoir eu un tel choc en plusieurs années de lecture. Il y réside une force rarement égalée dans le développement dramatique. C'est éblouissant, stupéfiant, envoûtant, éprouvant… bref, la pureté d'un diamant dans le genre.

Je côtoyais à l'époque Roman Polanski et lui avais conseillé d'en réaliser le film. Mes arguments, plus précis qu'aujourd'hui (je crois que ça remonte à 19 ans), l'avaient beaucoup troublé et il s'était précipité pour en obtenir les droits d'adaptation. Malheureusement (je dis bien malheureusement), ils étaient déjà entre les mains de Louis Malle qui réalisa Fatale.

À lui seul, le titre montrait qu'il n'avait pas bien saisi la subtilité de l'histoire (il n'a rien compris à la fin non plus d'ailleurs, dévorante, qu'il suffisait de tourner exactement comme elle est écrite - la sienne est sacrilège, iconoclaste, mollassonne, un véritable contresens, un manque d'analyse, une réduction de la portée des sentiments pervers, l'amaurose d'un cinéaste devant le "pilotage" à distance probable d'une âme instable par un cerveau diabolique).

Pour tout dire, le film m'a mis en colère, car la justesse de la distribution aurait dû en tirer une pure merveille (le couple est extraordinairement calqué sur le roman, la fusion en est presque magique). Mais, à l'évidence, Louis Malle, plein de bonnes intentions, n'était pas l'homme de la situation : il est passé à côté de ce chef d'œuvre où il n'y a rien de fatal, tout est danger ou "damage".

Une culminance de l'étrange dans le sentiment de possession, une ivresse bouleversante de la séduction, une fusion diabolique des relations amoureuses, l'effondrement par la passion, une exploration angoissante de la schizophrénie, l'horreur de la culpabilité, la mort qui nous frôle, le remords insupportable, le repentir inabordable, l'anéantissement. Je n'ai pas assez de mots pour tout vous dire, le mieux est de le lire… absolument.

PS - Polanski se consola en tournant Lune de Fiel (Bitter Moon) quelque temps plus tard. Cette ambiance glauque réussie, me confirma qu'il était le réalisateur capable d'éblouir le monde avec Dangereuse. Puis ce fut Mulholland Drive qui me bouleversa. David Lynch aurait sûrement porté, lui aussi, ce roman au sommet du cinéma. Mon Dieu, quelle histoire !

Écrit pour Babelio en décembre 2010.

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